Ce qu’il faut savoir sur les assurances en Afrique

L’assurance en Afrique, une dynamique de recomposition

Le principe de l’assurance est fondé sur la notion de risque, c’est-à-dire l’exposition à un danger potentiel, inhérent à une situation ou une activité et dont on ne pourrait affronter les conséquences financières, qu’elles soient liées aux biens ou aux personnes.

Du danger à l’accident

Le danger est le prélude au risque qui est lui-même le prélude à l’accident. Ainsi le danger ayant été identifié, le risque devient parfaitement descriptible, il est susceptible de se produire mais on ne sait pas s’il se réalisera et quand il se réalisera.

L’assurance est un contrat : en contrepartie du versement d’une cotisation, aussi appelée prime, l’assureur garantit des prestations précises à un individu, une association ou une entreprise en cas de réalisation d’un risque clairement identifié dans le contrat.

La notion de risque est une notion clé en matière d’assurance, il s’agit d’un événement aléatoire redouté par un assuré pour ses conséquences financières. L’aléa repose sur trois critères :

  • le futur : on ne peut assurer un accident de voiture qui s’est déjà produit ;
  • l’incertain : on ne peut assurer un risque certain qui se réalisera à une date connue ;
  • l’involontaire : on ne peut assurer les dommages que l’assuré cause ou se cause de façon volontaire.

L’Afrique étant devenue un véritable champ de manœuvres où s’affrontent à armes inégales, géants de l’assurance, groupes panafricains et petits acteurs locaux.

Recherche de croissance pour les uns, redéploiement stratégique pour les autres, les préoccupations diffèrent mais le nerf de la guerre demeure le même, à savoir la capacité de financement.

Après de nombreuses valses hésitations, les groupes internationaux, AXA, Allianz ou Prudential, ont fini par adopter des stratégies ciblées. Ils focalisent leurs activités sur les grands risques d’entreprises ou de spécialités et sur la santé. Ils sont à la recherche de marchés et segments à capacité de croissance, de rentabilité et de cash-flow. Ils ciblent le Maroc, le Nigéria, l’Egypte, le Kenya et la Côte d’Ivoire.

Autres protagonistes, autre stratégie. Engagés dans une véritable course contre la montre, les groupes panafricains d’assurance sont dans une logique de maillage du continent. Leur chef de file est Sanlam qui, en deux décennies, est présent dans 32 pays africains. Très offensifs, ils multiplient les prises de participation et les créations d’entreprises. Ils ne dédaignent pas les marchés à faible aliment de primes et n’hésitent pas à racheter aux groupes internationaux des portefeuilles.

Dans l’ombre des groupes internationaux et panafricains, les autres assureurs ont du mal à exister. Sans grands moyens financiers et faute d’opportunité, ils ne peuvent mener que des opérations limitées.

L’Afrique comptabilise 60,190 milliards USD de primes vie et non vie en 2020, soit 0,95% de la prime mondiale. L’Afrique du Sud accapare à elle seule 67,5% des cotisations du continent. Hors cette dernière, c’est près de 1 000 assureurs qui se partagent une prime de l’ordre de 20 milliards USD. C’est en fait trop peu pour trop de monde.

Pour l’heure, chacun place ses pions dans l’espoir de peser sur le marché ou simplement de survivre.

Assurance en Afrique: Risques nouveaux, recettes périmées

Pour entrer véritablement dans une trajectoire de croissance pérenne, l’assurance africaine doit sortir de la culture du statu-quo en faisant preuve d’agilité. Comme souvent dans les entreprises, nos assureurs ont tendance à reproduire la recette grâce à laquelle «ils ont toujours gagné de l’argent». Le problème est que cette dernière a vieilli, elle serait même périmée face aux transformations de l’industrie des assurances.

Les assureurs africains devraient prendre gare au syndrome Nokia ou BlackBerry, qui, par myopie stratégique, ont été balayés du marché des smartphones par la rupture technologique qu’apporta l’IPhone. Quinze ans (ndlr : on dirait qu’il s’est passé 50 ans) après l’irruption du smartphone d’Apple sur le marché, plus personne ne souvient de Nokia et encore moins, de BlackBerry. Les compagnies d’assurance africaines savent au moins le contre-exemple à éviter si elles veulent continuer à créer de la valeur pour leurs actionnaires et leurs assurés. Des risques nouveaux émergent tandis que les attentes de clients/assurés évoluent. En face, les recettes doivent donc évoluer.

Quelle que soit la branche, les assureurs sont condamnés à reconfigurer leur offre pour anticiper et garantir les conséquences de risques émergents, les cyber risques et les dégâts liés aux changements climatiques. Hors micro, les opérateurs concèdent que peu d’entre eux disposent d’une offre de cyber assurance (ils ne savent pas encore fixer un tarif qui puisse en garantir la rentabilité) tandis que l’assurance agricole serait encore perçue comme un gadget dans un continent pourtant exposé à des sécheresses récurrentes et aux inondations.

Mais il serait injuste de ne pas reconnaître ici le rôle de pionnier que jouent quelques réassureurs au Maghreb et en Afrique du Sud pour mieux intégrer le risque climatique avec le soutien des gouvernements.

Les assureurs africains devraient par ailleurs revitaliser l’expérience client en plaçant l’assuré au cœur du parcours client et pas seulement dans le discours. C’est cela qui fera élargir la demande de l’assurance en plus de la sensibilisation des populations et des opérateurs économiques à anticiper leurs risques et peut-être, à se tourner vers un assureur.

L’assurance, un levier de développement économique

Le caractère immatériel de l’assurance masque son rôle dans le développement économique. Elle contribue pourtant à stimuler la croissance, à accroître la résilience des économies locales et des ménages face aux évènements extrêmes, et à favoriser la redistribution et la solidarité entre les individus. Pour réaliser ce potentiel en Afrique, les acteurs du secteur sont au défi de repenser leurs produits et leurs canaux de distribution en adéquation avec les caractéristiques des marchés locaux.

L’assurance est un concept assez particulier: elle repose sur le paiement aujourd’hui d’une somme donnée pour couvrir un risque susceptible, ou non, de se matérialiser demain. Ses avantages restent donc peu perceptibles et immatériels. Pourtant, l’assurance a toujours existé. Elle est aujourd’hui proposée par des organisations traditionnelles, des sociétés privées ou les pouvoirs publics. Les outils classiques d’« auto-assurance », conçus pour transférer et gérer les risques collectivement, prennent souvent la forme d’une épargne communautaire supervisée par un « sage » ou régie par des rapports hiérarchiques et sociaux plus complexes. Partager les risques et les ressources pour aider des personnes en difficulté est courante en Afrique.

Outre les tontines, des organismes à but non lucratif ou basés sur l’adhésion, comme les sociétés funéraires en Afrique du Sud ou les « iddirs » pour les petits agriculteurs en Éthiopie, ont développé des dispositifs de partage des risques pour les personnes sans accès à une assurance formelle. Passer de ces systèmes d’assurance communautaires informels à des systèmes individuels formels a des impacts positifs sur le développement économique local, comme l’ont reconnu les Nations unies en 1964 lors de leur première conférence sur le commerce et le développement. Ils contribuent à la croissance et la stabilité des économies, ainsi qu’à la redistribution et la solidarité entre les individus

Exemple, priver un ménage de revenus. Lorsque ces risques sont couverts, les individus gagnent en sérénité et peuvent, plus facilement, prendre des décisions influant sur leur productivité et investir à long terme : par exemple, en commençant à utiliser des engrais, en scolarisant un enfant, en s’équipant préventivement contre la malaria, etc. Deuxièmement, l’assurance a un impact sur la baisse des taux d’intérêt et l’allongement des maturités de crédit (courbe de rendement).

En protégeant des entreprises et des ménages contre la perte de biens, des dommages ou des difficultés à rembourser un emprunt, elle contribue à réduire le risque de crédit. De plus, les compagnies d’assurance investissent en général les primes collectées et adossent leurs passifs d’assurance à des actifs de même durée. Les primes d’assurance santé sont fréquemment investies dans des actifs à court terme, tandis que les primes d’assurance vie ou les produits de retraite peuvent être investies sur plusieurs dizaines d’années.

un facteur de stabilité et de solidarité entre les individus ?

L’assurance représente également, pour les économies locales et les ménages, un facteur de stabilité et de résilience face à des évènements extrêmes. Elle leur permet, par exemple, de se couvrir contre des catastrophes naturelles en transférant le risque à des compagnies d’assurance et aux marchés financiers. Enfin, l’assurance donne une tangibilité économique au concept de solidarité entre les individus et les générations, en permettant l’agrégation et la mutualisation des risques – c’est-à-dire en définissant les primes en fonction de la probabilité de leur réalisation pour un groupe d’assurés et non pour un individu. De cette façon, l’assurance lie « les malheurs de quelques-uns aux fortunes de beaucoup ».

Cette forme de redistribution des revenus intervient après un accident, ce qui la différencie fondamentalement de la redistribution publique, dont elle est complémentaire. Les risques ne sont pas équitablement partagés entre les individus d’une même société (Ewald, 1999) et cette inégalité n’est pas liée aux niveaux de revenus initiaux (alors que les outils de gestion des risques dépendent des revenus). L’assurance rétablit une forme d’égalité entre assurés: après avoir payé une prime, ce qui importe c’est le risque auquel l’individu fait face et non pas ses revenus, son éducation ou son statut social.

Adapter l’offre aux réalités locales

La pénétration de l’assurance reste très faible en Afrique. Hormis l’Afrique du Sud, le total des primes avoisine 1% du PIB, loin des 5% observés en Asie. Les assureurs ont mis du temps à adapter leurs produits et services aux réalités locales. Ceux-ci sont, pour la plupart, identiques aux produits et services proposés dans les pays industrialisés, c’est-à-dire des contrats longs et complexes, distribués par l’intermédiaire de réseaux coûteux d’agents et de courtiers qui ne touchent que l’élite urbaine.

90% de la population du continent n’a qu’un accès limité à l’assurance ou n’y sont pas sensibilisés, malgré leur vulnérabilité et leurs besoins en matière de soins de santé. Les compagnies d’assurance ont longtemps cru que ces populations n’étaient tout simplement pas assurables. Elles ont pourtant développé leurs propres mécanismes de gestion du risque : les couples ont de nombreux enfants à la fois pour assurer leurs vieux jours et pour diversifier les revenus de la famille.

L’assurance santé, un produit complexe

Les produits d’assurance maladie sont plus complexes à concevoir que les autres types d’assurance en raison de la diversité des soins ou services à couvrir. Si l’inclusion de l’hospitalisation est essentielle pour éviter les dépenses « catastrophiques » de santé, la couverture des soins ambulatoires limite, elle, le risque de complications médicales liées au renoncement aux soins. Ces arbitrages pour l’inclusion ou non de services sont centraux pour atteindre des objectifs sociaux. En conditionnant le coût de la couverture d’assurance, ils impactent la capacité des ménages à y souscrire.

Pour l’assureur et l’assuré, l’étendue des frais à couvrir est une question essentielle. Les frais indirects (achat de médicaments, frais de transport, etc.) peuvent représenter jusqu’à 65 % des dépenses d’hospitalisation.

L’étendue des frais à couvrir est, pour l’assureur et l’assuré, une question essentielle. Les frais indirects (achat de médicaments, frais de transport, etc.) peuvent, par exemple, représenter jusqu’à 65 % des dépenses d’hospitalisation. Ainsi, certaines polices d’assurance couvrent également le manque à gagner lié à la perte de revenu pour l’assuré pendant son traitement, ce qui peut représenter une valeur non négligeable pour les non-salariés ne bénéficiant pas de congés maladies. De même, le système de paiement des prestations de santé choisi est intimement lié à la question de l’accessibilité des soins. Le système de tiers payant présente l’avantage pour l’assuré de ne pas devoir avancer les frais : la structure de santé est remboursée par l’assureur. Cet accès financier simplifié limite aussi le phénomène de renoncement aux soins. En termes de gestion pour l’assureur, les deux systèmes (tiers payant et remboursement aux assurés) ont leurs avantages et leurs inconvénients

– même si le tiers payant peut être moins coûteux en termes de frais de gestion.

La valeur de l’assurance santé repose également sur la qualité des soins auxquels les assurés ont accès. L’assureur dépend de l’offre de soins présente localement, mais il peut l’influencer en choisissant les prestataires avec lesquels il travaille et les modalités du partenariat. Certains assureurs évaluent, par exemple, la qualité de leurs fournisseurs de soins et lient leur rémunération aux résultats de ces évaluations.

Différents types d’assurances

Les assurances de dommages

Les assurances de dommages regroupent à la fois des assurances de responsabilité (responsabilité civile familiale, responsabilité civile du conducteur, responsabilité professionnelle…) et des assurances de biens (assurance des biens meubles et immeubles, des dommages causés au véhicule…).

La vocation traditionnelle de l’assurance est de permettre le remplacement de biens détruits ou subtilisés. De plus, aujourd’hui l’assurance de la responsabilité dans le domaine de la vie domestique, de l’activité professionnelle, de la circulation automobile et des loisirs s’est considérablement développée. Dans ce cas, on s’assure contre les dommages et les préjudices éventuels causés involontairement à des tiers.

Les assurances de biens et les assurances de responsabilité ont pour but de protéger le patrimoine de l’assuré. Elles sont, pour certaines regroupées dans des contrats « multirisques » (multirisques habitation, multirisques entreprise…).

Les assurances de biens les plus courantes sont l’assurance incendie, l’assurance vol, les dégâts des eaux ou le bris de glace mais d’autres types d’événements sont automatiquement intégrés (catastrophes naturelles, attentats…) ou proposés en option.

Les assurances de la personne

Les assurances de la personne couvrent les risques inhérents à la vie humaine et proposent un ensemble complet de solutions adaptées à chaque situation. Certains contrats prévoient des prestations en cas d’atteinte à l’intégrité physique : décès, invalidité (assurances en cas de décès), d’autres permettent la constitution d’une épargne et le versement de celle-ci sous forme de rente ou de capital si la personne assurée est en vie au terme du contrat (assurances en cas de vie).

Pourquoi l’assurance non-vie ne décolle-t-elle pas en Afrique ?

Force est de constater que l’assurance non-vie ne décolle pas en Afrique : l’Afrique représente en effet environ 17% de la population mondiale (en augmentation), pour 3% du PIB mondial (chiffre sous-évalué par la méthode de calcul et en augmentation) et seulement 1% des primes d’assurances non-vie (chiffre stable). Les taux de pénétration sont les plus faibles au monde et la croissance passée des primes collectées est davantage proportionnelle à la croissance économique que due à une augmentation des taux de pénétration.

Or le développement de l’assurance est à la fois un marqueur et un moteur du développement économique et humain d’un pays. Les compagnies d’assurance représentent en effet une importante source de financement pour les économies, car elles investissent une grande partie des primes perçues auprès des assurés sur les marchés de capitaux ou immobiliers, pour s’assurer de leur solvabilité et de leur capacité à couvrir les sinistres, quels qu’ils soient. Les compagnies d’assurance non-vie font aussi partie de ces investisseurs institutionnels fondamentaux pour les écosystèmes, même si elles représentent une plus faible part que les assureurs vie ou les fonds de pension, les banques ou les institutions de financement du développement.

L’Afrique reste le second continent le plus prometteur en termes de potentiel de croissance de ses marchés d’assurance. Et c’est sur ce continent que se situe la plus grosse réserve au monde de potentiel de croissance pour l’assurance.

Pourtant malgré ce cercle vicieux (peu d’assurance pour financer la croissance économique et une activité d’assurance non-vie pourtant tirée par cette même croissance économique), l’Afrique reste, derrière l’Amérique Latine mais devant l’Asie, le second continent le plus prometteur en termes de potentiel de croissance de ses marchés d’assurance.

Et c’est sur ce continent que se situe la plus grosse réserve au monde de potentiel de croissance pour l’assurance.

Les raisons qui expliquent la faiblesse du taux de pénétration sont multiples, et beaucoup ne relèvent pas de notre champ de compétences direct (politiques, culturelles et économiques). C’est pourquoi nous circonscrirons notre analyse aux seuls facteurs relevant de notre domaine d’expertise.

Il suffit par exemple de constater que la crise économique due à la pandémie de COVID a eu pour effet immédiat, notamment dans certains pays d’Afrique, de réduire toutes les dépenses non vitales, à commencer par l’assurance, pour appréhender les limites d’une analyse des seuls aspects stratégiques et techniques.

En revanche, et alors que les besoins de couvertures apparaissent si importants et qu’il existe une offre pouvant les satisfaire, au moins en partie, nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles l’assurance ne remplit pas les rôles économique, financier et sociétal qu’on lui demande de jouer et pour lequel elle a déjà beaucoup investi ? Quelle est donc la raison de cet échec ?

Les mythes de l’assureur-voleur et de l’assuré-volé

L’assurance est systématiquement pointée du doigt, et ses mécanismes fondamentaux méconnus, du simple particulier aux plus hautes instances des États. Le mythe de « l’assureur-voleur » est bien ancré partout en assurance indemnitaire, et plus particulièrement dans les branches de dommages. Puisque le risque ne s’est pas réalisé, la prime a été « confisquée » et quand un sinistre survient, la couverture (pour laquelle l’assuré a pourtant payé) n’est jamais suffisante (nous excluons ici les pratiques d’un autre temps pendant lequel des compagnies d’assurance, souvent détenues par quelques riches familles, confondaient primes et résultats, avec des conséquences multiples, notamment sur les cadences de règlement de sinistres qui s’étiraient sur plusieurs années même pour des sinistres simples).

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