Réinventer le développement et promouvoir le made in Africa

L’AFRIQUE est riche en ressources, et en énergie… et en talents. Son sous-sol est un trésor et son sol aussi. Elle dispose encore de 50 % des réserves mondiales de terres non cultivées ! L’Afrique est riche, mais ses citoyens sont pauvres. Elle est riche, mais encore dépendante d’un système hérité largement du modèle colonial et de son intégration dans l’économie monde. Elle exporte ce qu’elle ne consomme pas. Et elle importe ce qu’elle consomme – pour schématiser.

L’Afrique reste la région la moins industrialisée du monde, un seul pays sur l’ensemble du continent, l’Afrique du Sud, étant actuellement considérée comme industrialisé. Tout le monde s’accorde à reconnaître que cela doit changer, et nous pensons que c’est possible. Un changement fondamental dans la structure des économies des nations africaines est nécessaire. L’industrie, en particulier l’industrie manufacturière,  devra représenter une part plus importante des investissements, de la production et du commerce à l’échelle nationale.

Il faut sortir de cette dépendance économique, violemment mise en relief par la crise de Covid-19. « On aurait pu promouvoir l’offre locale, mais on a préféré tout importer », déplore l’économiste togolais Kako Nubukpo, qui prône « des solutions endogènes de développement », comme la mise en place de circuits courts entre producteurs et consommateurs. L’essor du made in Africa est impératif pour casser les logiques anciennes. L’industrialisation telle qu’elle est encouragée par des États (les parcs industriels d’Éthiopie) ou des conglomérats (Dangote Group, au Nigeria) est l’une des clés. Certains domaines d’activité sont particulièrement porteurs, comme l’agro-industrie, la pêche ou les énergies renouvelables. Autre clé : accentuer les efforts d’intégration régionale et continentale, pour agrandir la taille des marchés et des opportunités pour les entrepreneurs. Et pour que les États africains commercent entre eux, plutôt qu’avec La Défense ou Guangzhou. La création de la ZLECAf, à Niamey, le 7 juillet 2019, montre le long chemin à suivre.

Mais pour saisir ces occasions, il est impératif que tous les pays d’Afrique, individuellement et ensemble, s’engagent pleinement dans un programme de transformation industrielle qui reflète le rôle crucial de l’industrie dans le développement du continent. Il convient d’accorder la plus haute priorité à l’industrialisation dans le programme de développement socioéconomique.

On ne soulignera jamais assez l’importance de promouvoir des méthodes plus propres et plus efficaces en termes de ressources pour accroître la production manufacturière et de dissocier la croissance économique de la dégradation de l’environnement. Nous ne pouvons pas nier que l’un des effets secondaires de l’industrialisation a été son empreinte environnementale considérable. Aucun pays n’a encore totalement résolu la gestion des déchets, la purification de l’eau et la pollution. Toutefois, l’expérience montre que des interventions respectueuses de l’environnement dans les industries manufacturières peuvent être très efficaces et réduire considérablement la dégradation de l’environnement.

À mesure que les industries existantes en Afrique se développent, elles doivent utiliser les capacités technologiques actuelles pour atteindre une production industrielle plus propre. De nouvelles usines industrielles doivent être construites pour s’assurer que les modes de production sont durables. Le développement industriel ne doit pas porter atteinte à l’environnement, polluer l’air et l’eau ni produire des émissions nocives de gaz à effet de serre. La transformation des processus de production et des modèles commerciaux, associée à un choix judicieux des technologies, apportera des solutions aux redoutables défis environnementaux de notre époque. De plus, il est dans l’intérêt des entreprises de s’engager dans des modes de production durables, car cela réduit le gaspillage des ressources coûteuses et contribue à accroître la compétitivité.

L’Éthiopie est un exemple montrant comment l’industrialisation peut créer des emplois et améliorer les moyens de subsistance sans nuire à l’environnement. Selon Lelise Neme, Commissaire de la Commission éthiopienne d’investissement et ancienne Directrice générale de l’Ethiopa Industrial Parks Development Corporation, le Gouvernement a investi près de 1,3 milliard de dollars dans la construction d’une douzaine de parcs industriels. Ceux-ci ont attiré de grandes entreprises de Chine, d’Inde, de la République de Corée, du Sri Lanka, de la Province chinoise de Taïwan et ont créé plus de 50 000 emplois permanents dont 85 % sont occupés par des femmes.

La venue de la ZLECAF depuis 2021 a permis d’ouvrir de nouvelles possibilités en développant le commerce intra-africain et en favorisant un environnement susceptible d’intéresser des investissements étrangers directs sur le continent. Il y a aussi la perspective de voir une grande partie des 100 millions d’emplois à forte intensité de main-d’œuvre quitter la Chine et être délocalisés dans les pays africains.

Les pays africains devraient adopter une approche globale de la politique industrielle, en mettant en œuvre des stratégies d’industrialisation claires et propres qui favorisent des possibilités économiques équitables et tiennent compte de l’urgence de la lutte contre la crise climatique.

L’ONUDI et d’autres entités multilatérales et régionales travaillent avec les gouvernements africains ainsi qu’avec des entreprises du secteur privé pour promouvoir une industrialisation durable avec des initiatives dans des domaines comme le transfert de technologie, le développement de la chaîne de valeur agroalimentaire, les énergies renouvelables et le développement de zones économiques spéciales et de parcs industriels.

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