L’industrialisation de l’Afrique

Depuis le début des années 2000, le continent africain a affiché d’impressionnants taux de croissance économique. Toutefois, cette performance remarquable est en grande partie due à l’essor prolongé de l’exploitation des matières premières, au rapide développement de l’économie de services et à l’apport de l’aide au développement, le tout au détriment de l’industrialisation.

Le secteur industriel africain ne contribue que de façon marginale à la croissance de l’économie malgré un potentiel considérable. Loin d’être irréversible, cette situation requiert cependant un changement de cap qui passe notamment par des choix de politiques industrielles audacieux. Les leviers traditionnels d’intervention de l’Etat doivent être repensés au profit d’approches polymorphes afin d’enclencher un cercle vertueux.

Dans l’ensemble, les pays africains font face à un contexte complexe : capacités industrielles limitées et forte dépendance aux matières premières. Cette situation est non seulement source de vulnérabilité économique mais pèse également sur leur niveau de productivité industrielle, mettant sous tension la compétitivité des économies. En dépit d’un réel potentiel, l’industrie ne contribue encore que très marginalement à la croissance de l’économie africaine.

Au cours des trois dernières décennies, la valeur ajoutée manufacturière (VAM) a connu un très fort niveau de croissance, atteignant un pic de 19% (en proportion du PIB) en Afrique du Nord et 14% en Afrique subsaharienne. Cette tendance s’est fortement ralentie depuis 2003. A l’exception de l’Afrique du Sud et des pays d’Afrique du Nord, 95% des Africains vivent dans des pays dont la VAM est inférieure à 100 USD/habitant. La dépendance quasi-exclusive aux matières premières et la volatilité des prix entretiennent la vulnérabilité économique du continent africain.

4 leviers stratégiques pour enclencher le rattrapage industriel

Les récentes initiatives menées par différents Etats africains et couronnées de succès, laissent entrevoir un savant dosage entre les leviers stratégiques suivants :

  • Capitaliser sur les ressources naturelles du pays pour créer de nouvelles activités à forte valeur ajoutée via des partenariats stratégiques avec des acteurs de premier plan
  • Miser sur des partenariats stratégiques en utilisant la proximité géographique entre le continent et les marchés voisins pour encourager des opérations de co-production et développer l’industrie locale
  • S’appuyer sur les technologies de la révolution industrielle 4.0 pour intégrer la chaîne de valeur (« leapfrog ») en faisant preuve d’une plus grande souplesse en termes de production et ainsi contourner les problèmes d’infrastructure
  • Améliorer le climat des affaires en proposant un environnement attractif pour les investisseurs étrangers et en minimisant les freins à l’investissement.

L’industrialisation demeure un défi de taille pour l’Afrique

L’industrialisation de l’Afrique de l’Ouest est un défi d’envergure. La base productive des pays est généralement faible, constituée d’équipements obsolètes, et la région est l’une des moins intégrées dans les segments productifs des chaînes de valeur mondiale, du moins pour les activités de transformation, comme l’avait souligné l’édition 2014 de Perspectives économiques en Afrique. Cette situation découle directement de la crise industrielle qu’ont provoquée, à partir des années 1980, le démantèlement des barrières protectionnistes qui préservaient les industries locales, et les conflits et guerres civiles qu’ont traversés plusieurs pays de la région.

En 2014, le « rebasement » du PIB du Nigeria a révélé que le pays connaissait un rebond industriel. Avec le nouveau mode de calcul de la richesse créée, la part de l’industrie manufacturière dans la formation du PIB y est remontée de 2,4 % en 2008 à 9 % en 2015. Compte tenu de la prédominance de ce pays dans l’économie de l’Afrique de l’Ouest, ces derniers développements réactualisent à la hausse la contribution des industries non extractives à la richesse régionale. Avec le Nigeria, la part de la production manufacturière dans le PIB régional est ainsi passée de 5,9 % en 2005 à près de 9 % en 2015. En revanche, si l’on exclut le Nigeria, cette part a chuté de 11,2 % à 8,5 % sur la même période.

L’absence d’industrie entraine un manque à gagner important

En plus de réduire le déficit commercial, l’industrialisation de la région serait profitable à plusieurs titres. Tout d’abord, la diversification des activités permettrait de consolider les économies régionales, qui demeurent vulnérables à la volatilité des cours des matières premières. Par ailleurs, la faible capacité productive prive la région des effets d’entraînement associés au développement industriel, comme, entre autres, la création d’emplois et d’entreprises, l’attraction des investissements étrangers, la transformation du secteur informel, la diffusion des technologies et l’augmentation des exportations.

Pour l’heure, l’absence d’industrie entraîne un important manque à gagner, comme l’illustre remarquablement l’exemple du cacao : l’Afrique de l’Ouest produit et exporte 65 % des graines de cacao dans le monde. Mais parce qu’elle ne les transforme pas, elle ne bénéficie que de 3,5% à 6% du prix final d’une tablette de chocolat

Pour inverser la tendance, les pays de la région doivent supprimer les obstacles qui entravent leur industrialisation et découragent l’investissement industriel local et international aux niveaux national et régional : faiblesse du transport et de la logistique, obsolescence des équipements, pénuries énergétiques, inadaptation de la main d’œuvre aux métiers de l’industrie, manque d’accès au capital et climat des affaires insatisfaisant, entre autres. Ensemble, ils doivent bâtir un espace productif et un marché de dimension régionale à travers des politiques communes de convergence normative, de libre-circulation des personnes et des biens et d’intégration financière et de formation du capital humain.

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